Lien vers l’article complet et auteur
- Blog, ccbysa4, Fiche pédagogique, PublerProf
Qu’ils soient sous forme de présentations ou de vidéo, nos supports doivent être conçus pour faciliter le plus possible la mémorisation et la compréhension. C’est justement l’objet de la recherche en apprentissage multimédia : identifier les grands principes qui permettent d’améliorer l’efficacité des documents combinant des mots (sous forme textuelle ou auditive) et des images. Cet article en présente les résultats essentiels et montre sur deux exemples comment ils s’appliquent.
De l’information à la compréhension
Lorsqu’une nouvelle information arrive, l’apprenant tente de l’intégrer dans son savoir existant, dans ses schémas de pensée. L’information est alors interprétée et adaptée pour pouvoir être reliée aux connaissances initiales : l’apprentissage est un processus de réelle construction de connaissances, et non simplement d’enregistrement ou d’absorption parfaite d’informations tel un disque dur stockant ce qu’on lui transmet [1, 2].
Pour que l’apprentissage s’opère lorsque l’apprenant suit une présentation, lit un document ou regarde une vidéo, il faut qu’il soit en mesure de
1) faire attention aux bons éléments
2) les organiser mentalement de manière cohérente
3) les relier à ses connaissances antérieures. C’est le principe du Select – Organize – Integrate (SOI) [3, 4].
Les deux premières étapes (sélection et organisation) sont limitées par la capacité de notre cerveau à ne manipuler simultanément qu’un nombre très faible d’informations (entre 4 et 7) [5, 6]. Si l’apprenant doit traiter trop d’informations, il y a alors une surcharge cognitive et l’apprentissage échoue. La troisième étape (intégration) doit quant à elle nécessiter un engagement cognitif suffisamment important : une écoute passive d’un document ou une recopie simple ne conduisant qu’à un apprentissage très superficiel et peu persistent [7-9].
Conséquences pour la conception de supports
Au final, chaque étape soulève un problème potentiel et un principe associé pour y remédier.
1. Trop d’éléments parasites -> Guider l’attention
Problème : l’apprenant est incapable de faire attention aux bons éléments.
Solution : guider l’attention.
Méthodes :
- Mettez en valeur les informations importantes au moment où vous les présentez : mots en gras, éléments graphiques pour focaliser l’attention, ….
- Éliminez tous les éléments superflus qui peuvent perturber le message principal : textes inutiles, images ou musique sans rapport, et même votre propre image dans les vidéos !
2. Trop d’éléments essentiels -> Limiter la complexité
Problème : le contenu est tellement complexe qu’il dépasse les capacités cognitives de l’apprenant.
Solution : limiter la complexité du document.
Méthodes :
- Faites apparaître les éléments étape par étape, aussi bien pour le texte que les graphiques, les illustrations ou les équations.
- S’il y a beaucoup de vocabulaire nouveau, prévoyez un entraînement préalable.
- Le texte doit être court et, dans une illustration, placé à côté de l’élément désigné.
- Lors d’une présentation, faites des pauses.
- Si vous faites des vidéos, segmentez-les. Par ailleurs l’analyse des comportements d’apprenants dans des MOOC montre que la durée moyenne de visionnage d’une vidéo ne dépasse pas 6 min [10]. Fixez-vous cette valeur comme seuil à ne pas dépasser.
3. Apprenants passifs -> Organiser la réflexion
Problème : l’apprenant ne s’engage pas suffisamment dans la réflexion pour conduire à un apprentissage.
Solution : organiser la réflexion.
Méthodes :
- Ajoutez des QCM ou des questions ouvertes sur le contenu. Intégrez-les tout au long de votre discours.
- Faites interagir vos étudiants sur les points essentiels : travail en groupe, débats…
- Utilisez la technique du contre-argument : avant d’expliquer votre point de vue, présentez d’abord le point de vue opposé puis expliquez en quoi il est insuffisant ou mal-informé. Puis présentez ensuite la bonne conception et ce qu’elle apporte.
- Utilisez un niveau de langage conversationnel et non pas formel. Cela augmente l’engagement cognitif de ceux qui écoutent.
Deux exemples concrets
Pour finir, voici deux exemples qui montrent comment utiliser ces principes afin d’améliorer un document. Bien sûr, je ne prétends pas que la version finale soit parfaite, loin de là ! Mais elle est certainement plus efficace que la version initiale.
Exemple 1 : une diapositive
Exemple fictif d’une diapositive présentant un passage historique de la civilisation gauloise : la conquête de la Narbonnaise (le texte est tiré de l’article Wikipédia Histoire de France sous licence CC-BY-SA 3.0 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_France).
Principe 1 : guider l’attention
Élimination des éléments superflus :
- Le menu du haut et celui de gauche représentent ¼ de l’image. Le menu de gauche n’est pas lisible et n’apporte pas d’information liée à la diapositive.
- La barre de navigation en bas peut être supprimée.
- Élimination des quelques éléments secondaires présents dans le texte.
Mise en valeur des éléments essentiels :
- Le titre de la diapo a été centré sur l’élément essentiel : l’aspect stratégique de la Narbonnaise
- Seuls les points clés du texte ont été conservés.
- L’image a été agrandie.
- Une double flèche en pointillé a été ajoutée dans l’image pour préciser la localisation de la région et sa fonction de lien entre l’Italie et l’Hispanie.
Principe 2 : limiter la complexité
- La version de la carte est plus claire, les régions sont mieux délimitées.
- Le texte se compose uniquement ou presque de mots clés.
Principe 3 : organiser la réflexion
Des discussions entre les participants peuvent être organisées autour de questions, comme par exemple : « Détaillez trois exemples d’intérêts concrets pour Rome à conquérir cette région. ». Le type de questions à poser dépend bien sûr des objectifs pédagogiques.
Exemple 2 : un graphique
L’objectif du graphique suivant est de comparer les évolutions au cours de l’année du nombre de visiteurs uniques et du nombre de pages vues d’un site web. Le message à faire passer est la tendance globale des deux courbes : une augmentation du nombre de pages vues et une diminution du nombre de visiteurs uniques au cours de l’année. Un ordre de grandeur des valeurs est aussi souhaité.
Principe 1 : guider l’attention
Élimination des éléments superflus
- La présence du nom de tous les mois est inutile.
Mise en valeur des éléments essentiels
- L’objectif étant de montrer l’évolution, des courbes sont plus pertinentes que des diagrammes en bâton.
- Les mois de janvier et décembre sont mis en valeur, car représentant le début et la fin de l’année 2006.
Principe 2 : limiter la complexité
- Changement de la position de la légende : le texte est placé à côté de la courbe correspondante.
- Apparition du texte de manière synchronisée avec le discours : « Le graphique suivant représente l’évolution du entre janvier et décembre 2016 (apparition de l’axe horizontal) du nombre de pages vues (axe vertical et courbe correspondante) et du nombre de visiteurs uniques (courbe correspondante). »
Principe 3 : organiser la réflexion
Voici un exemple de question QCM possible :
Entre janvier et décembre, le nombre de pages vues par visiteur :
a) augmente.
b) diminue.
c) reste sensiblement constante.
Un exemple de question ouverte à travailler en groupe : « Quelles peuvent être les raisons d’un changement si fort du nombre de pages vues par visiteur ? ».
Conclusion
Les trois principes 1) Guider l’attention, 2) Limiter la complexité et 3) Organiser la réflexion permettent d’améliorer a priori nos supports de formation, c’est-à-dire avant de les avoir testés en situation. La seconde étape, à ne pas négliger, est l’amélioration a posteriori, c’est-à-dire en analysant les effets sur les participants suite à leur utilisation : quels sont les points les moins bien compris, les erreurs d’interprétation récurrentes, les questions subsistances, etc. Et c’est aussi un sujet en soi à part entière !
Bibliographie
[1] Bransford, J. D., Brown, A. L., & Cocking, R. R. (Eds.). (2000). How people learn : brain, mind, experience, and school (Expanded Edition). Washington, D.C : National Academy Press.
[2] Ambrose, S. A., Bridges, M. W., DiPietro, M., Lovett, M. C., & Norman, M. K. (2010). How Learning Works.
[3] Clark, R. C., & Mayer, R. E. (2016). E-Learning and the Science of Instruction : Proven Guidelines for Consumers and Designers of Multimedia Learning. John Wiley & Sons.
[4] Mayer RE, Moreno R (2003). Nine ways to reduce cognitive load in multimedia learning. Educational Psychologist, 38:43–52.
[5] Miller, G. A. (1956). The magical number seven, plus or minus two : some limits on our capacity for processing information. Psychological Review, 63(2), 81–97.
[6] Cowan, N. (2001). The magical number 4 in short-term memory : A reconsideration of mental storage capacity. Behavioral and Brain Sciences, 24(1), 87–114.
[7] Halpern, D. F., & Hakel, M. D. (2003). Applying the Science of Learning to the University and Beyond : Teaching for Long-Term Retention and Transfer. Change : The Magazine of Higher Learning, 35(4), 36–41.
[8] Chi, M. T. H., & Wylie, R. (2014). The ICAP Framework : Linking Cognitive Engagement to Active Learning Outcomes. Educational Psychologist, 49(4), 219–243.
[9] Chi, M. T. H., Adams, J., Bogusch, E. B., Bruchok, C., Kang, S., Lancaster, M., … Yaghmourian, D. L. (2018). Translating the ICAP Theory of Cognitive Engagement Into Practice. Cognitive Science, 42(6), 1777–1832.
[10] Guo, P. J., Kim, J., & Rubin, R. (2014). How video production affects student engagement : an empirical study of MOOC videos. Proceedings of the First ACM Conference on Learning @ Scale Conference – L@S ’14, 41–50.
- Blog, ccbysa4, Fiche pédagogique, PublerProf
Lien vers l’origine de l’article
Par : Jean-François Parmentier