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Interagir et apprendre en classe virtuelle

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Faire interagir, mais pourquoi ?

On se dit souvent que c’est bien de fait interagir entre eux ses étudiants pendant ses cours. Mais pourquoi ? Dans quel objectif ?

Une raison souvent évoquée est que cela améliore les apprentissages. Pourtant, la recherche montre que ce n’est pas toujours le cas (Gillies, 2014 ; Nokes-Malach et al., 2019). De plus, on peut aussi souhaiter faire interagir ses étudiants pour un but qui n’est pas immédiatement relié à l’apprentissage, par exemple pour qu’ils apprennent à se connaître.

Au final, on peut schématiser la situation en un espace à deux dimensions. L’axe horizontal représente le degré d’interactions d’un étudiant : à gauche, celui-ci interagit peu avec ses pairs et à droite il interagit plus fortement. L’axe vertical représente l’engagement cognitif de l’étudiant, donc son degré d’apprentissage. En bas, il s’engage faiblement, et en haut il s’engage fortement.

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L’espace se découpe ainsi en 4 modes, et à chacune de ces zones correspond un type d’activités pédagogiques qui induiront l’un de ces modes chez les étudiants.

Le mode Reçoit

Ce mode correspond typiquement à l’écoute d’un exposé lors d’une visioconférence, à la lecture d’un texte ou au visionnage d’une vidéo.

L’étudiant interagit peu avec ses pairs. De plus, la recherche montre qu’il est peu engagé cognitivement, donc apprend peu (Chi et Wylie, 2014 ; Chi et al. 2018).

Bien que cette phase d’accès à l’information soit nécessaire, elle mérite d’être complétée d’activités plus engageantes si l’on souhaite que l’apprentissage ait lieu.

Le mode Génère

Dans ce mode, l’étudiant s’engage cognitivement, c’est-à-dire qu’il essaye activement de donner du sens aux informations.

On imagine souvent qu’apprendre c’est ajouter à sa mémoire de nouvelles informations. Cette vision considère que nous fonctionnons comme des ordinateurs, c’est-à-dire que nous sommes capables de prendre directement ce qui nous est présenté et de le stocker dans notre mémoire. Mais ce n’est pas le cas. Lorsque des informations nous arrivent, nous les interprétons, nous les filtrons, nous les réorganisons et nous les relions à nos connaissances antérieures, transformant ainsi ce qui est présenté de l’information (qui est objective) en connaissances (qui sont personnelles). On parle alors de construction des connaissances (Mayer, 1992). En reliant les nouvelles informations entre elles et avec ce que l’on connaît déjà, nous leur avons donné du sens.

Si je vous donne par exemple les deux phrases suivantes, l’une à la suite de l’autre :

  1. Je dois aller faire les courses.
  2. Mais je n’ai plus d’essence.

Qu’allez-vous en conclure ? ? En tentant de les relier, vous allez générer des hypothèses. Par exemple, que je dois aller faire les courses en voiture. Et que comme je n’ai plus d’essence, je ne pourrais pas les faire. Vous allez aussi en conclure qu’il est probable que j’habite loin de l’endroit ou je fais les courses – puisque je dois y aller en voiture – ou alors que je dois acheter beaucoup de choses. Pourtant tout cela n’est pas dit dans les informations que je vous ai fournies. Et c’est parce que vous avez relié ces informations à vos connaissances antérieures (« Les voitures ont besoin d’essence pour rouler. », « Les gens font généralement leurs courses en voiture. », …) et entre elles que vous avez réussi à leur donner du sens.

En donnant du sens aux informations présentées, l’étudiant sera capable à la fois de s’en rappeler et de les utiliser dans des contextes divers (Ambrose et al., 2010). Et c’est bien là l’objectif de tout enseignement.

Pour mettre cela en pratique, il faut proposer des activités dites génératives qui demandent explicitement à l’étudiant d’établir des liens entre les informations présentées et ses propres connaissances (Chi et Wylie, 2014 ; Fiorella et Mayer, 2016). Lors d’un exposé, proposez par exemple des QCM. Il ne s’agit pas là de QCM de reconnaissance ou de simple mémorisation du type « Quelle est la capitale de la France ? », mais de questions d’application ou d’analyse qui vont nécessiter d’établir des liens entre les informations.

De nombreux outils de visioconférence (dont Zoom en mode Pro ou BigBlueButton) offrent la possibilité de faire voter les participants durant une présentation. Il existe par ailleurs des outils gratuits développés par des universités, tels iQuiz, ou 2Reply, qui peuvent être utilisés en parallèle de tout outil de visioconférence. On constate qu’environ 80 % des étudiants participent à ces phases de vote, bien plus que lorsqu’on les interroge « à la volée ».

On peut aussi demander à un étudiant de répondre à une question ouverte, de produire un résumé, etc. L’article 5 activités pédagogiques pour promouvoir un apprentissage en profondeur présente différentes activités génératives dont l’efficacité a été mise en avant par de nombreuses études.

Le mode Socialise

Le cadrant en bas à droite regroupe toutes les interactions qui n’ont pas pour but un apprentissage en particulier. Un bon exemple est lorsque l’étudiant socialise avec ses pairs. Bien que toute activité de groupe puisse participer à une telle socialisation, vous pouvez aussi proposer des activités spécifiquement dédiées (telles les « ice breakers »).

L’échange entre étudiants s’effectuant difficilement en classe entière, ces activités sont plutôt à réaliser en groupes restreints. Lors d’une visioconférence, on peut utiliser l’option « Breakout Rooms » pour répartir les étudiants en groupe de 4-5 dans des salles virtuelles (cf. tutoriels Zoom et BigBlueButton). Ceux-ci disposent alors d’une visioconférence privée dans laquelle ils peuvent discuter, activer plus facilement leurs caméras, partager leurs écrans, partager des documents, etc. L’enseignant peut en profiter pour naviguer entre les salles et faire connaissance avec les étudiants.

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En fonctionnement asynchrone, vous pouvez vous servir des forums. Limitez alors leurs tailles à une vingtaine de participants et jouez le rôle de facilitateur (Salmon, 2011 ; Woods et Bliss, 2016).

Le mode Délibère

En haut à droite du cadran, l’étudiant est à la fois engagé cognitivement et en interaction avec ses pairs. Les interactions portent sur le contenu du cours et chaque étudiant argumente et défend son point de vue. On dit alors que l’étudiant délibère et dans ce cas l’apprentissage est encore meilleur que si l’étudiant apprenait seul (Chi et Wylie, 2014).

La technique des microdébats – peer instruction en anglais – permet de mettre cela en pratique lors d’un exposé avec un nombre quelconque d’étudiants (Vickrey et al., 2015). L’activité commence de manière analogue à un vote individuel. Cependant, si le pourcentage de réponses correctes est compris entre 30 et 70 %, au lieu de conclure et de donner la bonne réponse, on demande aux étudiants de débattre en petits groupes (« avec vos voisins ») afin d’arriver si possible à un consensus. Suite à ce débat, d’une durée de l’ordre de 2 min, les étudiants revotent individuellement.

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Lors d’une visioconférence, l’option Breakout Rooms est utilisée pour permettre aux étudiants de débattre en groupe de 4-5. L’enseignant se déplace alors dans quelques salles virtuelles pour écouter les arguments échangés puis repasse lorsqu’il le souhaite en mode « classe entière » afin de clore les débats et conclure sur l’activité.

Et pour aller plus loin

Le livret gratuit gratuit 4 scénarios pour enseigner ou former à distance (Parmentier et Vicens, Dunod, 2020) propose bien d’autres activités pour chacun des modes du cadran. Le livret est présenté sous forme de mise en situation à travers quatre situations d’enseignement :

  • l’exposé interactif,
  • le travail en petit groupe,
  • la classe inversée,
  • la présence à distance.

Pour chacune d’entre elles, les principes et méthodes issus des recherches expérimentales en enseignement et en psychologie cognitive sont mobilisés afin de proposer des conseils pour les mettre en œuvre le plus efficacement possible.

Bibliographie

Ambrose, S. A., Bridges, M. W., DiPietro, M., Lovett, M. C., & Norman, M. K. (2010). How does the way students organize knowledge affect their learning ? In How Learning Works  : Seven Research–Based Principles for Smart Teaching (1re éd.). Jossey Bass.

Chi, M. T. H., & Wylie, R. (2014). The ICAP Framework : Linking Cognitive Engagement to Active Learning Outcomes. Educational Psychologist, 49(4), 219 243.

Chi, M. T. H., Adams, J., Bogusch, E. B., Bruchok, C., Kang, S., Lancaster, M., Levy, R., Li, N., McEldoon, K. L., Stump, G. S., Wylie, R., Xu, D., & Yaghmourian, D. L. (2018). Translating the ICAP Theory of Cognitive Engagement Into Practice. Cognitive Science, 42(6), 1777 1832.

Fiorella, L., & Mayer, R. E. (2016). Eight Ways to Promote Generative Learning. Educational Psychology Review, 28(4), 717 741.

Gillies, R. M. (2014). Cooperative Learning : Developments in Research. International Journal of Educational Psychology, 3(2), 125 140.

Mayer, R. E. (1992). Cognition and instruction : Their historic meeting within educational psychology. Journal of Educational Psychology, 84(4), 405.

Nokes-Malach, T. J., Zepeda, C. D., Richey, J. E., & Gadgil, S. (2019). Collaborative Learning : The Benefits and Costs. In J. Dunlosky & K. A. Rawson (Éds.), The Cambridge Handbook of Cognition and Education (1re éd., p. 500 527). Cambridge University Press.

Salmon, G. (2011). E-moderating—The key to teaching and learning online (3e éd.). Routledge.

Vickrey, T., Rosploch, K., Rahmanian, R., Pilarz, M., & Stains, M. (2015). Research-Based Implementation of Peer Instruction : A Literature Review. CBE Life Sciences Education, 14(1).

Woods, K., & Bliss, K. (2016). Facilitating Successful Online Discussions. The Journal of Effective Teaching, 76.



Lien vers l’origine de l’article
Par : Jean-François Parmentier

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