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Voici un appel que j’ai signé récemment auquel vous pouvez vous associer. Il est piloté par l’ancien juge des enfants du Tribunal de Bobigny Jean-Pierre Rosenczveig, connu des travailleurs sociaux pour ses écrits et prises de position. Cet appel vise à mettre en place une véritable politique de l’enfance qui ne se limite à sa protection. Il s’agit aussi de sortir de l’incohérence qui veut que l’enfant et l’adolescent ayant besoin de protection soit sanctionné comme un adulte à partir de 16 ans et aurait pu à l’avenir devoir de rendre des comptes de ses actes devant la justice dès 7-8 ans
1. La stratégie européenne sur les droits de l’enfant, implique une autorité publique responsable avec des moyens.
À l’heure où la Commission européenne vient d’adopter, le 24 mars 2021, la première stratégie globale sur les droits de l’enfant, il est grand temps que la France, appelée à présider l’Union en 2022, soit exemplaire et se dote à son tour d’une politique de l’enfance durable pleinement fondée sur la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants.
Cela implique une autorité publique responsable – un ministre de plein exercice – et des moyens dédiés : une administration, des moyens humains et financiers, des organes nationaux et territoriaux de gouvernance et de contrôle, des outils d’évaluation des politiques menées, une stratégie de recherche…
Il lui faut également se doter d’un instrument juridique, un véritable Code de l’enfance, référence pour cette politique.
2. La France doit dépasser l’approche strictement judiciaire ou de la seule protection.
De fait, la France s’est dotée au fil du temps d’un corpus législatif et réglementaire consacrant sans grande cohérence un certain statut de la personne mineure. Elle l’a fait non sans certaines contradictions, comme celle d’envisager l’enfant comme susceptible de rendre des comptes de ses actes devant la justice dès 7-8 ans, et d’être sanctionné comme un adulte à partir de 16 ans, tout en lui interdisant de solliciter son émancipation. Plus fondamentalement, l’enfant est tenu comme un être fragile qu’il faut protéger contre autrui et lui-même, et non comme une personne, certes mineure, mais capable, en grandissant, d’être partie prenante, voire de prendre des décisions qui la concernent.
On ne peut se satisfaire d’un code de justice pénale des mineurs comme celui qui vient d’être adopté par le Parlement, négligeant la protection judiciaire due aux enfants en danger ou victimes d’infractions pénales. Nous devons dépasser l’approche strictement judiciaire ou de la seule protection, pour prendre en considération tous les champs de la vie quotidienne en nous dotant d’un seul et même code.
Il est temps de se remémorer nos principes et d’envisager le débat sous le bon angle : les droits reconnus par la société à une personne engagent ses responsabilités. A l’identique, les droits et libertés reconnus à l’enfant engageront ses responsabilités à l’égard de chacun et de la société.
3. Un code de l’Enfance pour lever les ambiguïtés et contradictions.
Le travail de codification auquel nous appelons vise à intégrer au sein d’un seul et même texte l’ensemble de dispositions contribuant à définir le statut de l’enfant, ses droits et libertés et la mise en œuvre de sa responsabilité disciplinaire, civile et pénale. Il intégrerait notamment les dispositions du code de l’éducation et l’ensemble des textes concernant l’enfance contenues dans le code civil, le code pénal, le code de l’action sociale et des familles et le code de la santé publique.
Une telle démarche contribuerait à envoyer à la société un message fort, conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant. Elle permettrait de lever les ambiguïtés et les contradictions de notre droit, au bénéfice premier des enfants. Elle créerait une dynamique pour réduire le fossé qui existe encore entre les droits affichés et les droits réels, quand la grande pauvreté, la violence sous toutes ses formes, l’exclusion du droit à l’éducation ou encore l’épreuve des discriminations sont des réalités quotidiennes et insupportables pour de trop nombreux enfants.
4. Pour un grand débat national.
Nous appelons à un grand débat national sur la situation et le statut des enfants présents en France, par-delà les affaires ou problématiques qui régulièrement affleurent autour de la protection due aux enfants. La France a les moyens de cette démarche. Elle peut se doter d’un Code de l’enfance au service d’une véritable politique au service des enfants d’aujourd’hui qui seront les citoyens de demain.
En aura-t-elle la lucidité et la volonté ?
Cet appel a été initialement signé par
- Geneviève Avenard, Claire Brisset, Marie Derain de Vaucresson, Dominique Versini, Anciennes Défenseures des Enfants
- Josiane Bigot, magistrat honoraire, présidente de Thémis
- Claude Romeo, Directeur Départemental honoraire Enfance-Famille Seine St Denis, ancien président de l’Association nationale des directeurs d’action sanitaire et sociale
- Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat honoraire, ancien président du Tribunal pour enfants de Bobigny
en un week-end, il est passé de 100 à 435 signataires uniquement par le biais d’échanges par mail
Photo : master1305 freepik
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Par : Didier Dubasque